abf  Bulletin d'informations no162, 1er trimestre 1994
Association des bibliothécaires français
 

Un peu d'histoire, ou comment les qualifiés ont été requalifiés et la lecture publique promue
par Dominique Lahary

Bibliothèque départementale du Val d'Oise

Les textes statutaires ne sont pas sortis casqués de la cuisse de l'État-Jupiter. Ils sont le résultat de tractations, de négociations et d'arbitrages successifs, où l'on décèle parfois l'écho assourdi de certaines manifestations de rue.

La filière culturelle territoriale compte deux cadres d'emplois dits" qualifiés ", en catégorie B et en catégorie C. Dans la version initiale des projets de textes, il n'était prévu pratiquement aucune intégration dans ces deux cadres d'emplois, et leur définition fonctionnelle n'était pas professionnelle mais purement hiérarchique. En outre, le nombre d'agents qualifiés était limité à un septième du nombre d'agents du patrimoine. des agents et assistants qualifiés

Or, en même temps qu'on instituait ou étendait les possibilités d'intégration d'une partie des fonctionnaires en poste dans ces deux cadres d'emplois " supérieurs " de leur catégorie, on procédait à un transfert total ou partiel de la définition fonctionnelle des assistants vers assistants qualifiés d'une part, des agents vers agents qualifiés d'autre part(1).

C'est ainsi que les assistants se sont retrouvés avec une définition vague de leurs attributions (" assurent les travaux courants ") tandis que la référence au traitement des collections était transférée dans le décret relatif aux assistants qualifiés. Quant aux agents du patrimoine, ils ont, dans la définition propre aux " magasiniers de bibliothèque", perdu tout rôle relatif au prêt et à l'accueil du public, tandis que les attributions des agents qualifiés, qui ne concernaient que le " contrôle hiérarchique et technique " ou les " missions particulières ", étaient augmentées d'un codicille propre aux bibliothèques, où l'on retrouve les attributions traditionnelles des anciens employés de bibliothèque du statut communal, y compris l'accueil et le prêt.

Pareil transfert d'attributions ne peut être appliqué sans de graves inconvénients au personnel en place soumis à la mécanique des intégrations différentielles. Mais il peut aider à mieux cerner les niveaux de recrutement externes, en privilégiant les agents qualifiés en catégorie C, les assistants qualifiés en catégorie B.

Or, dans la logique initiale, il était normal que le recrutement se fasse massivement par concours interne, puisqu'il s'agissait de cadres d'emplois d'encadrement (70 % au moins pour les agents qualifiés, 50 % au plus pour les assistants qualifiés, contre 0 % pour les agents et 30 % au plus pour les assistants). Les transformer en cadres d'emplois professionnels aurait commandé qu'on ouvre davantage l'accès par concours externe, ce qui n'a pas été le cas. Il y a donc incohérence entre les définitions fonctionnelles et les procédures de recrutement.

Enfin. il n'a pas échappé aux lecteurs attentifs des décrets statutaires que les titulaires de tous les grades sont, en plus de leurs multiples activités, chargés de la " promotion de la lecture publique ", ou du " développement " d'icelle. Cette expression. qui joue un peu le rôle du raton-laveur dans le célèbre inventaire de Prévert. a surpris.

L'explication est simple. Lorsque ont été rendus publics les premiers projets de statut, on a de toutes parts proclamé avec vigueur qu'on ne retrouvait pas, dans la définition des différents grades, " la lecture publique ". Soucieux de tenir compte de cette remarque, et ne sachant sans doute pas comment y parvenir, les services ministériels compétents ont tout simplement ajouté dans chaque décret le membre de phrase en question.


(1) Pareil phénomène ne s'est pas produit dans la fonction publique d'État, où le corps des bibliothécaires-adjoints est demeuré inchangé, de même que ceux de magasinage, à l'exception de la création du grade de magasinier en chef principal.


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Article reproduit par l'auteur