Bulletin d'informations no178, 1er trimestre 1998
Association des bibliothécaires français
 

Bibliothèques publiques pour une Europe nouvelle
Colloque international de bibliothécaire
Budapest, 25-27 septembre 1997
par Dominique Lahary
Bibliothèque départementale du Val d'Oise

Les passages en italique sont extraits de l'article
Vagues de Danube à Budapest par Birgit Dankert in : Buch und Bibliothek n°49, 1997.

"C'est par un livret-programme trilingue élégant et éminemment politique, présentant une combinaison inhabituelle du français, du hongrois et de l'allemand que l'Institut français en Hongrie et le Goethe Institut de Budapest annonçaient le colloque international de bibliothécaires qu'ils ont organisé du 25 au 27 septembre sous le titre "Bibliothèques publiques dans une Europe nouvelle".

Le public visé était les bibliothécaires d'Europe centrale et orientale et quelque 200 participants, des États baltes à l'Albanie et à la Macédoine, ont répondu à l'invitation. Grâce à des traductions simultanées, les langues allemande, française et hongroise ont formé été les vecteurs d'échanges sur le nouvel ordre en Europe, sur les défis des nouvelles technologies de l'information et les nouveaux champs d'innovation qui en découlent en bibliothéconomie. Il y avait une outre un petit mais remarquable salon professionnel sur les lieux du congrès, l'Institut français situé au bord du Danube, et un merveilleux temps de fin d'été réchauffait le coeur.

Après les mots de bienvenue des responsables culturels français et allemands, des instituts culturels et du BDB (1), les conférences d'introduction ont été prononcées par Jean-Pierre Angrémy, Président de la Bibliothèque nationale de France, et Klaus-Dieter Lehmann, le Directeur général de la Deutsche Bibliothek. Les deux établissements assument des fonctions de direction et de service pour les bibliothèques de leur pays, mais elles les exercent de façon différente. Angremy représente un système encore fortement centralisé avec le vieil espace de bibliothèque des encyclopédistes - tout le savoir du monde, qu'il ne s'agit plus d'archiver mais de structurer et de rendre accessible en ligne. La relation entre bibliothèque, savoir et nation est naturelle pour l'homme de lettres(2), et il pouvait être sûr de l'approbation des actuels responsables politiques de la culture."

Klaus-Dieter Lehmann exposa avec autant d'érudition que de réalisme les fascinantes possibilités d'une coopération électronique entre les grandes bibliothèques encyclopédiques européennes et rappela que leur coeur à toutes commun demeure le trésor culturel de leurs collections. partant de l'exemple du fédéralisme européen et de la politique européenne en matière de bibliothèque menée avec profit depuis des années, Lehmann définit le rôle des bibliothèques nationales comme moteur de la coopération internationale entre bibliothèques."

Suivit un développement en cinq demi-journées : les grands enjeux politiques et culturels, bibliothèque et société, la bibliothèque en ligne, la formation des bibliothécaires et des utilisateurs, enfin les bibliothécaires et leurs publics, avec des interventions croisées allemandes et françaises présidées et modérées par des collègues hongrois.

Les grands enjeux furent définis par Dominique Arot, secrétaire général du Conseil supérieur des bibliothèques, et Ulrich Raulff, chef de la rubrique culturelle du Frankfurter Allgemeine. Le premier, s'appuyant sur une responsabilité accrue des pouvoirs politiques locaux dans le développent de la lecture publique et une diversité des usages et besoins des publics, a estimé que la révolution numérique n'entraînait pas bien au contraire la fin de la bibliothèque comme bâtiment, ni celle des bibliothécaires conduits à 'inventer une bibliothéconomie nouvelle pour proposer et garantir l'accès à un large public de contenus culturels et informationnels riches et diversifiés. Le second , rappelant que l'Europe est une civilisation du livre, a exprimé devant la révolution numérique les craintes et les espoirs d'un philologue dont la discipline avait réhabilité des dernières décennies l'importance de la matérialité des supports, et répété après Umberto Eco que l'important n'était pas tant l'accès immédiat à l'information souhaitée que la proximité des volumes posés les uns à côté des autres.

Francine Thomas, directrice de la Bibliothèque municipale de Strasbourg, a expliqué comment la lecture publique française, un essor tardif mais vigoureux, s'est trouvée investie de missions sociales, les conduisant à marier complexité (des services et des techniques) et simplicité (de l'accès autonome de l'usager), organisant et laissant s'autorganiser les publics entre déambulation et guidage, bruit et silence, groupes et individus. Son homologue de Stuttgart, Hannelore Jouly, a présenté la configuration possible de la bibliothèque du futur, comme atelier de formation continue, lieu littéraire et culturel, comme médiateur multisupport, comme institution favorisant l'enracinement et l'identité dans un monde interconnecté (3).

Dominique Lahary, directeur-adjoint de la bibliothèque départementale du Val d'Oise, s'est demandé si la bibliothèque en ligne faisait plus, mieux, ou autre chose. Énumérant en quoi la révolution numérique bousculait les piliers de la bibliothéconomie (la collection, le temps, le lieu, l'institution et la norme), il a plaidé pour une stratégie de présence sur ce nouveau terrain, et pour l'utilisation par les bibliothécaires des réseaux communs, des langages communs, des standards communs, faute de quoi la société de l'information n'existerait que sous forme marchande. Barbara Lison-Ziessow a présenté le projet BINE développé à la bibliothèque municipale de Brême qu'elle dirige. Il s'agit d'un repérage et d'un archivages des ressources d'Internet intégrées de façon transparente aux ressources propres de la bibliothèque.

Jean-François Jacques, directeur de la médiathèque d'Issy-les-Moulineaux, a monté en quoi le multimédia entraînait pour les bibliothécaires comme pour le public la nécessité de savoir-faire nouveaux, le public enfantin étant celui pour lequel l'enjeu est le plus grand : accédant instinctivement aux nouvelles techniques, il est aussi le plus vulnérable à la déstructuration apparente des connaissance. Ute Klaasen, directrice de la bibliothèque de la ville de Gütersloh (4), s'est appuyée sur son expérience de gestionnaire et d'animatrice de formation pour appeler à un renouvellement des mode de management et à une orientation délibérée vers l'utilisateur.

Devenir bibliothécaire grâce au public, a plaidé Bertrand Calenge, directeur de l'Institut de formation des bibliothécaire, militant pour une bibliothèque dynamique, capable de construire avec le demandeur la réponse à sa préoccupation, pour une bibliothèque critique, appelée à valider les contenus qu'elle propose, pour une bibliothèque stratège, élaborant à l'aide de disciplines auxiliaires dont l'informatique n'est qu'une parmi d'autre l'art de servir le public. Birgit Danke


Article reproduit par l'auteur