Contributions de Dominique Lahary au colloque virtuel text-e
BPI, octobre 2001-mars 2002

Voir aussi: Le témoignage d'un invité : 6 mois de vécu, in : text-e : Écrans et réseaux, vers une transformation du rapport à l'écrit. Bulletin des Bibliothèques de France n°4, 2002

Lecteurs et lectures à l'âge de la textualité électronique / Roger Chartier
      
Furetage, oralité, littérature grise, 25 octobre
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique / L'équipe de la BPI
      Spécifique, la BPI ?, 19 janvier
      Conservation et accès, 19 janvier
      Le choix du buveur, c'est Babel, 19 janvier
      Qui compte sur le caviste ? , 23 janvier
      Nous parlons du text-e, 28 janvier
Vers une lecture sans écriture ? / Dan Sperber
      Oui, le chinois ! , 13 février
      Quel avenir pour le discours lettré ? , 13 février
      De la dactylographie au traitement de texte, 13 février
Les nouvelles architectures de l'information / Stefana Broadbent, Francesco Cara
      Le pourquoi du comment, ou : qui lit à l'écran ? , 26 février
      Bibliothèque ou services ? Documents ou sites ? , 27 février
      Les arborescences de sujets, 27 février
      Le terminal, 27 février
Conclusions / Gloria Origgi, Noga Arikha
      Réponse aux modératrices, 28 mars
      Un peu de vécu, 28 mars

Liste des conférences


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Furetage, oralité, littérature grise
Lecteurs et lectures à l'âge de la textualité électronique

Dans le nouveau il convient toujours de distinguer la figure de l'ancien de ce qui est réellement nouveau. La double figure de l'internaute esquissée par Dominique Boulier, comme fureteur incertain et comme participant à une élaboration collective et indistincte, m'a fait penser à deux réalités nées avant l'internet.

1) "Le surfeur ne sait pas précisément ce qu'il cherche et c'est la meilleure façon d'être satisfait de ce qu'il trouve". Voilà précisément une des figures de l'usager d'une bibliothèque publique, furetant dans les rayons et se remettant au hasard organisé de la trouvaille. L'apport des bibliothèques publiques du dernier demi-siècle a justement été, à l'instar des commerces, d'ouvrir leurs rayonnages à la libre déambulation des lecteurs quand auparavant ceux-ci devaient passer par l'intermédiaire du catalogue, c'est-à-dire savoir déjà ce qu'ils cherchaient. Ce modèle qui est aussi celui de la librairie moderne est d'ailleurs plus libre que le web, qui suppose toujours une clé d'entrée, ou la saisie d'une requête sur un moteur de recherche.

2) La production de "ce texte océan sans origine ni fin" est certes un phénomène spectaculaire de ces dernières années. Le caractère textuel du web, de la messagerie et des forums représente une explosion de l'écrit, surprise de ce tournant du siècle. Mais n'est-il pas tout simplement avant tout un avatar de la vieille rumeur du monde, de cette oralité qui est à l'origine de la littérature mais bien d'autres choses encore, de ces multiples conversations qui font l'esprit d'un temps et que notre temps appelle parfois l'opinion publique ? N'est-il pas, aussi, une nouvelle forme de ces écrits intermédiaires que l'on a pu nommer littérature grise, mais qui relèvent aussi de la brochure, du libelle, du prospectus, du manuscrit aussi, y compris toutes les formes de correspondances, bref toutes ces formes de l'écrit qui n'étaient pas dignes d'entrer dans les bibliothèques et que le dépôt légal ignorait, mais que la société produit et dont les sociologues et historiens sont et seront friands.

Ce qu'apporte l'écrit en réseau, c'est un effet de mélange et d'amplification. Les diverses formes d'écrit et d'oralité y coexistent, avec leurs degrés variés de légitimité, mais elles sont comme fondues en une pâte unique. Sous cet apparent magma, il appartient sans doute à ceux qui se pensent en charge de la légitimation de reconstituer des procédures et des labels.

J'émets l'hypothèse que les communautés solidement constituées, au moins elles, ne trouvent pas si difficilement leurs repères. J'en témoigne en ce qui concerne la bibliothéconomie et les sciences de l'information : Internet est un formidable appareil à rechercher, trouver, produire, échanger informations, savoirs, hypothèses. Dans cette pâte numérique nous savons reconnaître les grumeaux légitimes, les documents validés, les contributions signées d'auteurs reconnus.

Dominique Lahary, jeudi 25 octobre, 2001 07:59 (heure de Paris)


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Spécifique, la BPI ?
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique

Au-delà de son caractère parisien et important, une caractéristique remarquable de la BPI était d'être une bibliothèque publique qui ne prête pas.

Cette caractéristique, qui déplaçait la question du public et de ses usages, ne joue guère en ce qui concerne Internet, qu'il s'agisse d'Internet à la bibliothèque ou de la bibliothèque sur Internet.

Voilà pourquoi le texte de son équipe aurait pu être écrit, pour l'essentiel, par celle d'une autre bibliothèque publique, investie d'une mission encyclopédique.

C'est justement dans le domaine de l'internet que la BPI peut jouer le rôle de modèle qui lui est prêté, sans que son exemplarité pèche par trop d'exceptionnalité.

Dominique Lahary, samedi 19 janvier, 2002 08:41 (heure de Paris)


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Conservation et accès
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique

Ne faut-il pas distinguer clairement la question de l'accès et celle de la conservation ?

Accès et conservation sont les deux missions des bibliothèques vues dans leur globalité, sachant que la mission de conservation n'échoit qu'à un nombre limité d'établissements ou de service.

Oui, il y a un énorme problème de conservation de la mémoire numérique, qui ne se règlera que par une démarche archivistique de sélection.

L'accès, c'est un autre problème. S'il est permis de poser la question de l'utilité des collections de signets, c'est aussi comme moyen d'accès.

Dominique Lahary, samedi 19 janvier, 2002 08:43 (heure de Paris)


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Le choix du buveur, c'est Babel
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique

Il faut reconnaître à la BPI le mérite d'avoir abordé dans ce colloque le thème de la bibliothèque qu'après bien d'autres interventions plus générales. Bibliothécaire, je suis confus de n'avoir pas trouvé le temps de participer aux précédents débats.

Mais comme Clause Poissenot j'ai été frappé par le point de vue adopté dans le texte "Babel ou le choix du caviste" : celui du document, ou plus exactement, celui de son traitement par les bibliothécaires.

Un autre point de vue aurait pu être adopté, sous un titre tel que "Le choix du buveur, c'est Babel", qui se placerait délibérément du point de vue du public.

La question telle qu'elle est souvent abordée chez les bibliothécaires est celle-ci : comment, ayant reçu la météorite Internet, pouvons-nous continuer à faire notre métier ? L'objectif étant la perpétuation du rôle des bibliothécaire, le moyen sera la transposition des pratiques professionnelles dans le nouvel environnement.

Ainsi, les bibliothécaires sélectionnant des documents, l'accès sera limité à des extraits d'Internet. Ils les cataloguent, les sites web feront l'objet de signets (le degré zéro du catalogage : la liste bibliographique), puis finalement dûment catalogués dans des bases de données.

Les accès seront organisés dans le cadre d'une définition stricte des missions de la bibliothèque, limitée à la recherche documentaire.

Sur le premier point, la messe est dite : les gens veulent tout l'internet. Tout simplement parce que c'est un média qui a sa logique, et que celle-ci repose sur le libre parcours. Des extraits du net ne sont pas le net. Les bibliothécaires, qui ont su organiser le libre accès à leurs collections dans la deuxième moitié du dernier siècle, ne peuvent faire autrement que de donner libre accès à Internet.

Sur le second, ne confondons pas missions et fonctions. Le public, comme de bien entendu, n'en fait qu'à sa tête. Il trace ses propres parcours malgré la classification installée par les bibliothécaires (1), mais surtout il utilise le lieux, ses tables, ses chaises et ses espaces pour converser, travailler, faire son courrier, compter fleurette, que sais-je encore. Bref la bibliothèque est un lieu de vie, et ceci a très exactement son équivalent dans les usages polymorphes des internautes.

Une bibliothèque n'est peut-être pas la poste, mais bien des collègues normands ou autres ont vu venir des touristes anglais en villégiatures se rendre à la bibliothèque pour faire leur courrier électronique et s'étonner que cela soit interdit.

Internet pose un problème de limite, puisque des documents de tous statuts et de toutes valeurs y côtoient le commerce électronique, la communication commerciale ou institutionnelle, la correspondance et la conversation. Les règlements ou les chartes peuvent baliser ce terrain et rappeler au minimum l'exigence du respect de la loi. Pour le reste, on peut comprendre certaines limitations liées à la pénurie d'écran : temps de connexion limité, interdiction d'usages qui prendraient le pas sur les autres, un peu comme aux premiers temps de l'introduction des bandes dessinées dans les bibliothèques, parce qu'on n'osait pas en acheter beaucoup, on n'en prêtait qu'une à la fois.

Mais que les bibliothécaires se rassurent : avec le développement de l'Internet payant, déjà bien avancé en information scientifique et technique, la bibliothèque retrouve son rôle traditionnel de sélection et d'acquisition. Qu'il faut bien évidemment assumer.

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(1) Véron, Eliséo, "Espaces du livre : perception et usages de la classification et du classement en bibliothèque", Bibliothèque publique d'information, 1989 (Études et recherche).

Dominique Lahary, samedi 19 janvier, 2002 08:49 (heure de Paris)


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Qui compte sur le caviste ?
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique

En novembre 1998, le "Library Journal" titrait en couverture : "Cataloguing the Net : are librarian too late ?"

L'idée de repérer des sites web, de les évaluer, de les sélectionner, de les décrire est très fréquemment émise par les bibliothécaires. Elle se présente comme la continuation de leurs pratiques traditionnelles dans un nouvel environnement : intégration des ressources électroniques externes dans la démarche documentaire de l'établissement, perpétuation du rôle de sélection et de description des ressources dans un nouveau contexte. Les bibliothécaires décrivant volontiers leurs établissements comme des collections organisées de documents, il n'est pas étonnant que le premier réflexe ait été de constituer une collection qu'on pourra à la rigueur qualifier de virtuelle en ce qu'elle n'est qu'intellectuellement constituée par un établissement ou un ensemble d'établissements sans avoir d'autre existence concrète que sous la forme d'un paquet de liens.

Mais cette activité sert-elle à quelque chose ou plutôt à quelqu'un ?

Le web est déjà balisé par quantité d'outils de recherche généralistes ou spécialisés connus de nombreux utilisateurs. Ces outils mettent en œuvre des techniques documentaires.

C'est parfaitement évident pour les annuaires de sites, de Yahoo! à Nomade en passant par Voila, qui ne sont rien d'autre de des catalogues structurés, avec notices structurées en champs et indexation par classification arborescente.

Mais les moteurs de recherches eux-mêmes, bien que reposant sur un travail automatique, sont aussi des bases de données structurées.

Même si ces outils ne sont pas, pour la plupart, l'œuvre de bibliothèques ou centres de documentation, ils sont le produit de la mise en œuvre de techniques documentaires classiques, même si elles ont été techniquement revisitées. Des professionnels de la documentation, qu'on appellera cyberdocumentalistes si l'on veut, y exercent leur art.

Ces outils couvrent une bonne part des besoins de repérage, ou du moins une bonne part des utilisateurs le pensent, parce que ce sont ces outils qu'ils connaissent, qu'on leur souffle de toutes part, qu'ils utilisent. Il ne leur viendrait pas naturellement à l'idée d'attendre ce service de leur bibliothèque.

Quelle place reste-t-il donc aux bibliothèques en tant qu'institutions sur ce terrain ? Elles sont en situation concurrentielle, même non marchande : si elles ne parviennent a attirer des utilisateurs vers leurs outils, leurs efforts auront été peine perdue.

Première approche : elles seraient les seules à incarner une démarche de service public, une cohérence reposant sur des critères de validation, quand nombre d'outils reposent sur l'autoréférencement ou le référencement automatique par les liens hypertextes. Peut-être, en partie, quoique la question de la validation, dont les bibliothèques ne sauraient avoir le monopole, est complexe.

Seconde approche : on peut estimer que les bibliothèques sont bien placées pour avoir une approche documentaire, au sens étroit, d'Internet, c'est-à-dire pour repérer des DOCUMENTS plutôt que de se contenter de signaler des SITES, comme font les annuaires. Des documents, à commencer par les articles de périodiques électroniques gratuits.

C'est pourquoi il n'est pas ridicule de penser que les bibliothèques peuvent contribuer, parmi d'autre, au balisage du web, mais cette légitimité ne leur est pas d'emblée donnée, elle devra se conquérir et être consacrée par l'usage.

La constitution de pages de signets, puis de véritables bases de données est d'abord le fruit d'un réflexe pavlovien de la profession confrontée à un nouveau média. Elle s'analyse aussi comme une phase d'appropriation de ce média, bien compréhensible, et excusable si 'elle ne se perpétue pas indépendamment d'un usage réel. Elle peut enfin être considérée comme une des offres documentaires - parmi d'autres - des bibliothèques.

Il serait bien déraisonnable de démultiplier cette activité bibliothèque par bibliothèque. De grands établissements jouent naturellement un rôle phare (la BnF et ses Signets , la BPI, d'autres encore) et les bibliothèques universitaires ou spécialisées, par ailleurs déjà confrontées massivement au phénomène de l'Internet payant, travaillent sur ce terrain. Cependant l'idée de coopération semble s'imposer, sachant que la coopération, c'est plus vite dit que fait.

Mais si le produit de ce travail peut être utile, c'est comme outil d'orientation, pas d'enfermement. Comme balisage du libre parcours sur le web, pas comme système d'extraction de lambeaux auxquels on réduirait l'utilisateur.

Reconnaissons que les outils de recherche sur Internet les plus utilisés, ce sont les moteurs, qui reposent sur une indexation automatique profonde, voire totale, des documents. Moi même, pour ma documentation professionnelle, j'utilise d'abord les moteurs, puis les sites de référence de moi connus, et en dernier lieu seulement les annuaires de site. Pas vous, chers collègues ?

Reconnaissons que le web consacre un changement d'approche du document, permet enfin de façon massive un dialogue direct entre l'utilisateur et le document. Les mots de l'utilisateur seront toujours plus proches de ceux des documents qu'il recherche que cet intermédiaire auparavant obligé qu'était la notice bibliographique, combinaison d'une description réduite à quelques pauvres éléments et d'un langage documentaire codifié et limité.

En réponse à une contribution à un autre sous-débat du présent débat (le rôle de la bibliothèque-p et le rôle de la bibliothèque-e), un membre de l'équipe de la BPI dit comprendre " l'ivresse que l'on peut ressentir à naviguer sur le réseau librement ". Comme si c'était un lieu de perdition, de vagabondage. Or le libre parcours, la libre utilisation des moteurs de recherche, permet également de TROUVER. Et même de trouver des DOCUMENTS.

Certes, il y a des techniques pour trouver mieux, plus vite, et les bibliothèques peuvent s'employer à former leurs utilisateurs... et leur personnel, par tous moyens y compris des pages d'aide. Mais de grâce, cessons d'avoir peur du bruit ("toute réponse non pertinente à une recherche documentaire " - Vocabulaire de la documentation, Afnor, 1993). Cherchons plutôt à préserver les utilisateurs du silence ("Dans une recherche documentaire, il y a silence lorsque des documents pertinents répondant à une question et existant dans la mémoire ne sont pas sélectionnés à la suite de l'interrogation. " - Ibid.). Un silence que nous aurions nous-même organisé.

Dominique Lahary, mercredi 23 janvier, 2002 09:00 (heure de Paris)


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Nous parlons du text-e
Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique

La réponse de la BPI intitulée "bibliothécaires et usagers" est l'occasion de recentrer le débat, de le débarrasser des malentendus ou des polémiques inutiles. Par exemple, il est a priori intéressant que la BPI offre deux types d'accès à Internet sur place, d'abord parce que cela diversifie l'offre à son public, ensuite parce que l'établissement joue là son rôle pilote ou expérimental. Ces deux modes se retrouvent, isolément ou conjointement, dans d'autres bibliothèques : en débattre, c'est débattre en général du texte en réseau dans les bibliothèques, et non dans la seule BPI.

La critique des bases de signets (je participe moi-même à la constitution de l'une d'elle dans le cadre du réseau documentaire du Val d'Oise) peut s'exercer à deux niveaux :
- en soi, c'est un travail que les bibliothèques réalisent dans un contexte de concurrence et pour lequel elles ont à trouver leur public,
- si ces bases composent des collections exclusives, sans possibilité de libre navigation, elles se heurtent aux usages.

Jean-Michel Salaün, dans un autre sous-débat (Pour une bibliothèque virtuelle, malgré tout), fait justement remarquer que nous ne savons pas si Internet est un média ou une bibliothèque. Nous n'allons pas faire ici d'ontologie. "Média", "bibliothèque" ne sont que des concepts, dont il faut vérifier s'ils sont opératoires. Or ils le sont tous deux me semble-t-il.

Internet c'est n'importe quoi, mais aussi, entre autres, une bibliothèque, car c'est un stock de documents auxquels ont peut accéder. Si, suivant une expression consacrée, une bibliothèque est une "collection organisée de documents", Internet en est bien une, produit d'un enchevêtrement d'efforts individuels et collectifs et non d'une action concertée : c'est le fruit d'une sorte de "main invisible". Cette "collection" n'est pas organisée a priori, mais elle est organisable, grâce aux outils de recherche, dont ceux élaborés par les bibliothécaires. Elle est en quelque sorte post-organisée (de même qu'on parle de langages documentaires précoordonnés, qui préexistent aux collections et aux questions des utilisateurs, et des langages documentaires postcoordonnés, qui s'organisent à partir des questions des utilisateurs). Elle est aussi multi-organisée (libre à chacun d'y projeter son éclairage partiel). En ce sens, ce n'est pas Babel, pas du tout.

Internet est un aussi un média qui a sa logique, son mode de diffusion, suscite des usages spécifiques (voir l'intervention de Bruno Patino). Le texte de la BPI le compare à la télévision, généralement absent des bibliothèques. Je préfère utiliser la distinction entre médias de flux et médias de stock. Les bibliothèques sont plutôt dédiées aux médias de stock, et Internet est un stock, même si on y trouve un peu de flux. Ce média impose une logique d'usage : le libre parcours. Toute entrave à celui-ci ne peut que provoquer l'incompréhension des utilisateurs. Comme apothéose du texte, il possède entre autres deux caractéristiques remarquables : les textes sont liés entre eux (hypertexte), ils se donnent à la recherche par leur intérieur : le moteur avant le répertoire.

L'hypertextualité n'est pas nouvelle (il y avait les notes, les références...) mais, automatisée, elle se réalise enfin pleinement. Elle demeure révolutionnaire : sur Internet sont à l'oeuvre des stratégies commerciales et institutionnelles qui lui sont contraires, et voudraient imposer le passage obligé par la page d'accueil d'un site clos sur lui-même.

Quant à la recherche, elle généralise enfin l'accès par le texte intégral autrefois réservé à des bases de données spécialisées et à des systèmes de gestion électronique inaccessibles au plus grand nombre.

Trois textes du colloque [Roberto Casatti, Bruno Patino, Theodore Zeldin] ont abordé la question de l'accès et de la recherche, mais très fugitivement. Le thème des bibliothèques est l'occasion d'y revenir. De ce point de vue Internet se distingue radicalement des divers avatars numériques de l'édition séparée (le livre électronique, le cédérom, ...).

La conquête de l'accès au texte par son intérieur, quel que soit le bruit que nous faisons autour du phénomène du bruit, n'est-ce pas là un événement considérable ? De plus en plus, moteurs de recherche et répertoires de sites se mélangent, s'interpénètrent : des répertoires transmettent les requêtes à un moteur quand elles ne trouvent rien, des moteurs s'enrichissent d'un répertoire. Nous ne sommes plus dans une logique d'extraction (d'une collection à partir d'un corpus éditorial) mais d'accumulation, de combinaison, de croisement, de rebond (Steve Harnard, dans le sous-débat "Rethinking collections..." a abordé également ce thème). C'est le traitement électronique du texte électronique qui permet cela.

Quant aux utilisateurs, nous en sommes aussi, nous qui participons ou participerons à ce colloque à des titres divers : comment trouvons-nous, ou plutôt, comment cherchons-nous sur Internet ?

Dominique Lahary, lundi 28 janvier, 2002 07:14 (heure de Paris)


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Oui, le chinois !
Vers une lecture sans écriture ?

Évoqué Par Dominique Dussidour dans le fil "Le silence de l'écriture", le chinois réapparaît dans celui-ci. Outre les indéniables difficultés des langues à plusieurs tons. Dan Sperber fait justement remarquer la faible adaptation de ce type d'écriture à la saisie sur un clavier, qui explique probablement l'intérêt que la reconnaissance vocale suscite. Mais utiliser la reconnaissance vocale ne signifie pas abolir l'écriture. J'imagine mal qu'en chinois on puisse apprendre à lire sans apprendre à écrire. L'apprentissage des caractères (un investissement lourd !) s'appuie sur le traçage (voir Dominique Dussidour), un traçage encore et toujours recommencé qui, jusqu'à preuve du contraire, permet seul la mémorisation, non pas forcément de chaque caractère un par un, mais de l'univers des caractères. Autrement dit : je suppose qu'apprendre à lire les caractères sans apprendre à les écrire ne ferait pas gagner du temps mais en ferait perdre.

J'ajoute à cela que l'écriture chinoise constitue un fédérateur de parlers divers, quoique de même famille, sans qu'il y ait intercompréhension entre tous leurs locuteurs. Enfin la calligraphie tient dans cet univers culturel une place centrale qu'on ne saurait réduire à une activité artistique.

La thèse de Dan Sperber, stimulante, provocante, désagréable pour qui est attaché à l'écriture (je suis en train d'écrire en ce moment et n'imagine pas que cette activité disparaisse), constitue un scénario plausible mais non certain - le scénario est une des méthodes de la prospective. Il est permis d'y adjoindre un scénario parallèle, que d'ailleurs Dan Sperber accepte explicitement : certaines aires linguistiques seront résistantes à la disparition de l'apprentissage de l'écriture. A ce compte, permettez le parti pris : vive le chinois !

Dominique Lahary, mercredi 13 février, 2002 09:12 (heure de Paris)


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Quel avenir pour le discours lettré ?
Vers une lecture sans écriture ?

Gloria Origgi posait une question dans le fil "premières réactions" : "Est-ce qu'un apprentissage des formes lettrées des discours, qui permettrait une maîtrise du texte dicté à l'ordinateur, serait moins coûteuse et difficile que l'apprentissage de l'écriture, qui a l'avantage d'incorporer déjà en grande partie ces formes ?" Elle la précise ici : comment apprendre à "parler pour écrire" en opposition à "parler pour parler" ? C'est une façon de revenir sur la "parole lettrée" évoquée dans ses "premières réactions" par Patrick Altman.

Ne faut-il pas filer le scénario jusqu'au bout ? Ne contient-il pas l'abolition tendancielle de la séparation entre langue lettrée (qu'elle soit orale ou écrite) et langue non lettrée (qu'elle soit, elle aussi orale ou écrite) ?

Il n'est que d'écouter des enregistrements d'émissions radiophoniques des années 1930 à 1950 pour entendre une parole lettrée, parfaitement orale mais quasiment semblable à l'écrit, qui n'existe plus guère aujourd'hui.

Nous raisonnons en prenant en l'état le style écrit, comme si un changement dans le processus mécanique de l'écriture devait le laisser intact.

On sait qu'aucune mutation technique ne déclenche rien par elle-même, mais facilite un usage si elle intervient dans un contexte économique et culturel qui lui est favorable (voyez la diffusion de l'imprimerie en Occident). Si le scénario de Dan Sperber se vérifie, on constatera peut-être après tout que la généralisation de l'écriture dictée à la machine, qui pourrait s'accompagner de la disparition d'un certain type de parole lettrée, d'une diminution ou d'une abolition de la différence entre discours ordinaire et discours lettré, non seulement dans la littérature, mais aussi dans les écrits pratiques (voyez la simplification des formulaires administratifs), sanctionnerait une évolution déjà engagée dans le positionnement respectif des niveaux et styles de discours.

Dès lors, il n'y aurait plus à apprendre à parler pour écrire, en tout cas à apprendre une autre parole. Cela ne signifie pas que ne subsisteraient pas des paroles techniciennes, spécialisées - à l'oral ou à l'écrit, elles existent déjà. Des paroles savantes, si l'on veut. Des paroles partagées par ces communautés circonscrites, sans lien avec un apprentissage généralisé.

Dans un pays comme la France, l'accès à de grandes écoles, la réussite aux concours administratifs, reposent sur une maîtrise de la langue écrite et un ordre du discours répondant à des codes précis. L'extravagante cacophonie d'une salle d'examen où les candidats parleraient à chacun à un ordinateur n'a aucune chance d'advenir : dans un tel scénario, on aura totalement cessé d'évaluer par le discours. On remplira des QCM sur des écrans tactiles.

(Il est dommage que Roger Chartier ne participe pas à la discussion, lui qui défendait l'idée d'une fracture fondamentale entre écriture et oralité).

Dominique Lahary, mercredi 13 février, 2002 09:16 (heure de Paris)


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De la dactylographie au traitement de texte
Vers une lecture sans écriture ?

Serge Pouts-Lajus met l'accent sur ce qui apparaît une aberration fondamentale : l'absence de la dactylographie dans l'enseignement met celui-ci à côté des dispositifs matériels réels de l'écriture d'aujourd'hui.

Mais il me semble que dans ce fil le clavier n'a été envisagé que dans une continuité trop simple entre la machine à écrire et l'ordinateur. Reprenons ici l'intervention de Christian Vanderlope dans le fil "Maintenir l'écriture manuelle : un choix politique" mettant en avant la non linéarité du texte, qu'on peut opposer au flux séquentiel du discours oral.

L'écrire manuscrite était certes linéaire, mais permettait la rature, le collage, la surcharge - voyez la belle exposition qu'il y a peu la BnF a consacré aux brouillons d'écrivains. La machine à écrire a représenté une régression vers la pure linéarité, au point qu'il fallait sortir de son processus même pour raturer, coller, surcharger, bref le texte dactylographié n'était que la matière du premier jet, qui se travaillait ensuite comme un manuscrit.

Le traitement de texte, c'est bien autre chose. Il permet certes l'insertion de tableaux, graphiques, illustrations, icônes et hyperliens, comme dit (non, écrit !) Christian Vanderlope. Il autorise une structuration du document indépendante de son aspect matériel (les feuilles de style). Mais aussi (surtout ?), il facilite ou modifie le processus même de l'écriture, permet le remords, la correction, le déplacement de blocs de textes, faisant du discours un chantier commencé de plusieurs endroits à la fois et s'ordonnant peu à peu, d'une minute à l'autre, d'un jour à l'autre, ou sur des mois, des années. Il permet la reprise d'un texte ancien, sa correction, sa trahison, sa transfiguration. Il permet le mélange de textes épars. Bref le texte est devenu une pâte éminemment malléable, à la fois fluide et structurable.

Voilà pour la production. Mais la lecture ? Je renvoie aux remarques de Thierry Soubrié sur l'écrilecture dans le fil "Sur l'enseignement de l'écriture". Mais la recherche ? Le web est farci de formulaires invitant à saisir des requêtes dans des champs. On dira que l'on pourra saisir ses requêtes par la parole. Certes, mais il n'y a plus alors de correction contextuelle.

Dans cette perspective, la réduction de l'écriture à la captation de la parole ne peut représenter qu'une régression, le producteur comme utilisateur de texte étant privés de l'agilité formidable qu'ils avaient conquises. Avant peut-être que les progrès techniques ne reconstituent laborieusement les fonctionnalités que le clavier, le si simple clavier, permettait si simplement (simplement pour ceux qui ont appris à s'en servir, bien sûr). Au fond, le scénario de Dan Sperber transfère l'apprentissage par tous vers la programmation par quelques-uns. En ce sens, il implique la renaissance d'une caste de scribes.

Dominique Lahary, mercredi 13 février, 2002 09:20 (heure de Paris)


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Le pourquoi du comment, ou : qui lit à l'écran ?
Les nouvelles architectures de l'information

Quand j'ai lu le résumé de la communication Stefana Broadbent et Francesco Cara " les utilisateurs ne lisent pas plus de quatre lignes de texte à l'écran. Pourquoi ? " j'ai cru qu'ils allaient nous expliquer POURQUOI on ne lit pas grand chose sur un écran. Mais ils nous ont seulement expliqué COMMENT. Ce n'était pas leur propos, et j'ai été heureux d'entendre le leur, mais la question ne demeure-t-elle pas ? N'y a-t-il pas, en deçà de la question de l'ergonomie des sites, une question ergonomique de base, celle de la lecture sur un écran vertical ? Je rapproche cela des expositions sur panneau : on a beaucoup de mal à lire sur ces supports. Une exposition ne doit pas comporter de longs textes, c'est extrêmement pénible à lire.

Je parle bien ici d'écran vertical et fixe ou peu maniable, non des livres électroniques dont Jean-Michel Salaün dit dans le fil "Quels critères pour réussir un web grand public ?" qu'ils ne posent pas de problème de lecture prolongée.

José Luis Guijarro dit qu'il n'est pas admis ici de parler de soi, mais il me semble que cette règle supposée n'a pas cours. On parle de soi même ne serait-ce qu'indirectement, une partie des interventions du présent débat peut s'analyser comme la réaction de gens se considérant comme utilisateurs " experts " devant un texte privilégiant l'étude des utilisateurs "légers". Chacun parle depuis sa pratique (de sociologue, d'ergonome, de spécialiste des sciences cognitives, de bibliothécaire...) et dans le langage de ses pairs.

J'avoue moi aussi lire très peu le colloque text-e à l'écran, je le survole, mais si je veux approfondir, comparer, étudier, annoter, je travaille sur les textes imprimés. On écrit beaucoup à l'écran, y compris à partir de textes (voir la notion d'écrilecture aborder lors du débat précédent) mais lire vraiment, massivement, longuement, exclusivement, qui le fait ?

Les usagers "naïfs" s'imaginent peut-être qu'on lit à l'écran, mais parmi les "experts" et les "légers", qui le fait ? Dès lors, les "experts" ne sont-ils pas par exemple ceux qui vont chercher des textes sur Internet, sachant qu'ils ne vont pas forcément chercher à les lire à l'écran ? Et les " légers ", par exemple, ceux qui vont rechercher directement un service sur un écran, et pas de la lecture ? Pour les premiers, il faut absolument continuer à publier des textes, longs si leur objet nécessite qu'ils soient longs. Pour les seconds, il faut être aussi sobre en texte qu'on devrait l'être en concevant une exposition.

Et si ces hypothèses ont quelque validité, s'agit-il d'une phase transitoire ou y a-t-il, non pas une nature du média (merci à Jean-Michel Salaün de sa mise au point dans le fil "Internet est-il nécessaire ?"), mais une maniabilité du support due à sa matérialité ? Ne dit-on pas que le passage du rouleau au codex a modifié le processus de la lecture et l'usage de celle-ci ?

Dominique Lahary, mardi 26 février, 2002 10:12 (heure de Paris)


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Bibliothèque ou services ? Documents ou sites ?
Les nouvelles architectures de l'information

La communication de Stefana Broadbent et Francesco Cara présente notamment l'immense intérêt de focaliser l'attention sur un type d'usager du web qui n'est pas représentatif de la période ascendante de ce média (les années 1990) et dans lequel les participants au présent débat ne se reconnaissent pas.

Leur typologie repose sur le rapport à l'outil, sur les compétences ou les appétences techniques, auxquels se superposeraient des usages : les " naifs " ne connaissent rien à l'outil, les " légers " s'en fichent mais veulent pouvoir s'en servir, les " experts " en jouissent, si l'on peut dire.

Mais l'interpellation de Dan Sperber dans le présent fil permettrait d'esquisser une autre typologie, délibérément fondée sur l'usage et privilégiant le rapport au contenu sur le rapport à l'outil.

Les " naïfs " seraient des non pratiquants, qui n'accèdent pas aux contenus. Les " légers " privilégieraient les services et seraient centrés sur les sites. Les " experts " privilégieraient les informations et seraient centrés sur les documents. Et voilà notre " intello ni léger ni expert " promu expert (la terminologie serait peut-être à revoir). Il n'y a pas que des " intellos " dans cette catégorie, mais aussi toutes sortes de gens intéressés par un ou plusieurs sujet, de façon académique ou non.

Cette catégorisation laisse délibérément de côté la communication interpersonnelle, dominante sur Internet, mais cette mise entre parenthèse permet de mieux approcher les rapports des usagers à des contenus existants.

On voit alors s'esquisser deux webs forts différents. Le premier, qui semblait dominant dans les années 1990, et correspond sans doute à la conception des primo-arrivants, est une bibliothèque, c'est-à-dire un vaste stock de documents. L'usager de ce web-là n'est pas plus attaché à un site qu'un gros lecteur se limiterait aux productions d'un seul éditeur. Tout au plus un site apporte-t-il éventuellement un élément de validation du contenu. Cet usager cherche à découvrir sans cesse de nouveaux contenus, en même temps qu'il use du web comme d'une armoire ou d'une bibliothèque personnelle, retrouvant facilement les documents dont il a un usage fréquent.

La question qui se pose pour le web-bibliothèque, c'est d'arriver à trouver des documents dont on connaît l'existence sans savoir où ils se trouvent, et des documents dont on ne connaît pas l'existence mais qui portent sur un sujet qu'on a identifié. Deux solutions pour cela : les moteurs et annuaires de sites (les catalogues et les classements) d'une part, les liens hypertextes (les notes et références bibliographiques) d'autre part.

La fausse question, à propos du web-bibliothèque, est de savoir s'il comprend ou non toutes les informations possibles : Babel n'est qu'une idée de " naïf ". Non, il comprend beaucoup de choses, mais pas tout, beaucoup de bonnes choses, mais aussi des mauvaises.

Le second web, qui si l'on suit Stefana Broadbent et Francesco Cara répond aujourd'hui à un usage dominant, est un ensemble de services. L'usager du web-service a besoin d'identifier des prestataires efficace, avec lesquels il va établir un lien de fidélité. Il est donc centré sur les sites, non sur les documents.

La question qui se pose pour le web-services, c'est d'accéder rapidement aux sites (il y a pour cela les signets ou favoris du navigateur) et, une fois qu'on y est, de trouver rapidement l'information ou le service dont on a besoin.

Ces deux web coexistent. " Il faut segmenter ", dit Jean-Michel Salaün dans le fil " Internet est-il nécessaire ? ". Tout le monde a envie de survivre et que survive son web. Il existe suffisamment d'internautes de toutes catégories pour justifier une offre de service et de documents propre à les satisfaire tous. A condition qu'un usage n'écrase pas les autres, et que les " nouvelles architectures " ne s'échaffaudent pas sur les décombres de vieux quartiers, ainsi qu'on voit dans les villes chinoises.

Je me demande ici si la contradiction radicale entre web-bibliothèque et web-service est susceptible de se traduire par une contradiction technique et d'aboutir à une incompatibilité de fonctionnement, alors que le web, construit sur des standards simples et universels, était intégralement opérable avec un seul type d'outil très simple.

Le web-bibliothèque, relativement indifférent au site, repose sur un accès direct au document, exprimé aujourd'hui par son URL. Il a besoin de stabilité des URL (des progrès sont attendus pour passer des URL aux URN permanents). Mais il a aussi besoin que les sites permettent facilement un accès direct. L'utilisateur ne passe pas par la porte d'entrée, mais par la fenêtre.

Le web-service est centré sur le site et mise sur la page d'accueil de celui-ci, point de passage obligé. Tout va (ou devrait) être fait pour faciliter l'accès à partir de cette page aux informations ou service intéressant un utilisateur captif, qu'il convient de fidéliser.

A cette typologie on peut en superposer d'autres, même si c'est approximatif : web statique contre web dynamique, web académique et coopératif contre web marchand et institutionnel.

L'architecture des sites caractéristiques du web de service peut être parfaitement compatible avec les besoins de l'utilisateur du web-bibliothèque. Mais ce dernier a deux soucis : on doit pouvoir identifier directement un document par un moteur de recherche, on doit pouvoir poser un lien vers un document, dans ses favoris ou sur une page web de sa composition.

Le premier ennemi de cet utilisateur a été le site à " frames " (cadres). Nombre de ces sites ne sont pas fait pour un accès direct au document, même s'il est techniquement possible, au point que l'accès à un fichier destiné à être affiché dans un " frame " peut ne pas indiquer son origine.

Le second ennemi est le web dynamique, ou du moins une partie de celui-ci, en ce qu'il s'oppose à l'un et/ou l'autre de ces types d'accès : à l'indexation par les moteurs, à la pose de liens. Le " web invisible " gagne du terrain. Même si certains sites construits sur des bases de données permettent d'identifier un résultat de requête par un URL, et même si certains moteurs parcourent certaines partie du web dynamique.

Il est curieux de constater que le modèle du web-service, centré sur les sites et promus par les prestataires et conseillers en conception de site, se passe du principe de l'hypertexte, ou du moins réduit celui-ci à un principe de navigation au sein d'un même site, alors que l'hypertexte avait été décrit dans les premières années d'explosion du web comme son principe essentiel.

La remarque d'Eric Guichard dans le fil " Gauss, l'homme et la machine " est bienvenue : il montre que l'hypertexte est typique d'une pratique universitaire. Et Christian Vanderdorpe dans le fil " Internet est-il nécessaire ? " évoque les excès de l'hypertextualité.

Il est parfaitement légitime que se développent des usages du web-services et que ceux-ci dominent à la fois quantitativement et économiquement : s'il y a un web marchand possible, c'est bien là.

Mais il est permis de travailler au développement parallèle du web-bibliothèque, y compris à son développement technique. Cela peut vouloir dire deux choses :

- que les concepteurs de sites susceptible de s'adresse aux usagers-bibliothèque tiennent compte de leurs besoins et de leur mode d'accès aux documents, ce qui signifie résister aux solutions techniques reposant sur le passage obligé par la page d'accueil ;

- qu'on ne s'intéresse pas seulement aux sites, mais aux outils de recherche : moteurs, annuaires, métamoteurs, agents intelligents. Il y a des progrès à faire aussi dans ce domaine-là.

Dominique Lahary, mercredi 27 février, 2002 06:53 (heure de Paris)


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Les arborescences de sujets
Les nouvelles architectures de l'information

Eustache Megnigbeto, et Francesco Cara à sa suite, semblent remettre en cause les arborescences de sujet qui sont à la base de la navigation dans certains sites, mais aussi dans les annuaires de sites bien connus.

Certes, les observations semblent prouver que la plupart des utilisateurs privilégient la saisie de mots clé sur le parcours dans l'arborescence. Pourtant celui-ci est en réalité le moyen le plus sûr d'arriver à un résultat quand le sujet est facilement exprimable et catégorisable.

Or la syntaxe Niveau1 > Niveau2 > Niveau3> Niveau4 permet d'exprimer l'arborescence à plat, donc de réduire le nombre de clics pour arriver au résultat.

Il existe certainement des types de site pour lesquels cette solution est inutile. Pour d'autres, et notamment pour les annuaires, n'est-il pas utile de la conserver ?

Dominique Lahary, mercredi 27 février, 2002 06:56 (heure de Paris)


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Le terminal
Les nouvelles architectures de l'information

Jean-Michel Salaün dans le présent fil regrette que la question du terminal ne soit pas abordée.

C'est pour moi un mystère. Pourquoi donc le PC est-il l'instrument utilisé pour naviguer sur le web ? Cela se justifie si on en a d'autres usagers : c'est une station de travail multifonction, Internet pouvant être intégré à de multiples autres processus de travail informatisés.

Mais pour les usages domestiques et les stations d'accès publics, le PC, instrument trop cher, trop compliqué, trop technique, est bien peu adapté... à ceci près que le PC de plus en plus puissant s'impose à la maison à cause des jeux électroniques.

Au milieu des années 1990, un concept a fleuri : celui de " networtk computer " ou ordinateur de réseau. Entièrement dédié à la navigation, presque sans disque dur, simple et sécurisé, il semblait l'instrument idéal pour les postes d'accès public et les usages domestiques massifs.

Il faut croire que les industriels n'y ont pas vu d'intérêt.

Dominique Lahary, mercredi 27 février, 2002 06:59 (heure de Paris)


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Réponse aux modératrices
Conclusions

Voici des réponses au questionnaire des modératrices. Je renvoie par ailleurs un message que je leur ai adressé en janvier.

- Quelles ont été vos principales difficultés dans la lecture des textes ?

J'ai imprimé la plupart, pour deux raisons. Parce qu'il est pénible de lire un texte long à l'écran, même si je passe une bonne partie de ma journée de travail les yeux sur un écran. et parce que je lis ces textes ailleurs qu'à mon bureau : dans les transports, dans un fauteuil chez moi...

- Quels ont été les obstacles à la navigation ?

Les discussions n'étaient pas faciles à suivre car le format était fait pour suivre chaque fil isolément, alors que les débats rebondissaient d'un fil à l'autre. Ce n'est qu'après avoir imprimé que je pouvais annoter, comparer...

- Quelle est votre expérience du débat trilingue ?

J'au lu les textes anglais et italiens avec plaisir mais plus de difficulté qu'en français. La plupart des fils ont été monolingues.

- Croyez-vous qu'un format différent comme Flash aurait eu des avantages.

Je ne sais pas. Mais j'aurais préféré un format sans frame ni fenêtre pop-up, autorisant les liens tous azimuts, permettant de sauvegarder un URL, de poser facilement un lien hypertexte pour envoyer d'une intervention à l'autre. Par ailleurs j'approuve les remarques de Richard Minsky dans le fil "Regrets". Ces remarques valent aussi pour l'archivage futur de la conférence.

- La forme de conférence débat au rythme d'un tous les quinze jours a-t-elle encouragé votre participation ?

Non, il l'a découragé. Pour moi quinze jours c'était trop court.

- Comment décririez-vous la différence entre la participation à un colloque réel et text-e ?

Text-e est un colloque réel. Avec cette formule on a davantage la possibilité d'intervenir et les interventions sot plus nombreuses et intéressantes. Ce qui diffère sans doute le moins c'est la conférence d'un auteur.

- Cinq mois sont-ils un temps trop long pour un colloque en ligne ?

Trop court !

- L'hétérogénéité a-t-elle été une plus-value du projet ? Une limite ?

Une plus-value pour la diversité des conférenciers et participants, c'était plus intéressant. Mais de nombreux débats et échanges sont demeurés entre spécialistes de la même discipline, parfois dans un langage difficile à comprendre par les profanes.

- Comment jugez-vous le filtrage des modératrices ?

Il est indispensable. J'ai eu quelques échanges sympathiques par e-mail. J'ai vu disparaître deux petites contributions "naïves".

CONCLUSION PRINCIPALE : BRAVO ET MERCI.

Dominique Lahary, jeudi 28 mars, 2002 16:04 (heure de Paris)


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Un peu de vécu
Conclusions

(message du 28 janvier aux modératrices)

Chères modératrices

Voici un petit témoignage personnel sur le colloque virtuel. Dans un congrès de bibliothécaires en mai dernier, on m'avait demandé d'y participer parmi quelques "happy few". J'ai tenté d'argumenter contre, puis cédé. Je ne m'imaginais pas ce que ce serait.

J'ai mis très longtemps à m'y faire.

D'abord je n'arrivais pas à lire les contributions à l'écran. Quant aux débats, je les parcourais deci delà mais n'arrivais pas à saisir un fil.

J'ai donc imprimé, je me suis fait des cahiers toujours à recommencer au fuir et à mesure que les débats avançaient, et dans mon désordre familier je les égarais.

De toutes façons, à mon bureau, parce que la période était intense (ah la mise en place des 35 heures) et de toutes façons parce que ne m'y accorde jamais des temps calmes et suffisamment long de lecture, je ne suivais pas le colloque à l'écran.

A la maison, l'accès à Internet est dans la chambre du fils, il faut s'introduire en son absence et avec son autorisation.

Quinze jours me paraissait un temps très court : mince, le débat est déjà fini, déjà on passe au suivant ! Parce qu'on m'avait sollicité, je me sentais un peu coupable.

Enfin, Théodore Zeldin l'a dit à propos des contributions et vous-mêmes à propos des débats, je sentais confusément une sorte d'académisme, quelque chose d'intimidant. Qui peut donc parler ensemble, co-loquer ?

Et puis j'ai eu l'impression d'avoir à mon travail enfin la tête hors de l'eau.

Et puis le fils est parti pour quatre mois à l'étranger, sa chambre est en libre accès.

Et puis est venu le tour de "l'équipe de la BPI" et le thème m'est devenu familier.

Je ne sais pas laquelle des trois raisons l'a emporté, peut-être les trois, mais je me suis finalement senti "dans" le colloque (il faut se sentir dedans pour y prendre part).

Un matin de bonne heure, dans la chambre du fils, j'ai depuis qu'Internet existe lu pour la première fois de bout en bout un texte à l'écran, celui de l'équipe de la BPI.

Je ne suis pas très satisfait de n'avoir pris le fil que pour répondre à des gens de ma famille, c'est de l'Internet communautariste, tel que le mettait en cause Theodore Zeldin, je n'ai su répondre qu'à des gens de ma spécialité, même si c'était sur le thème "sortons de notre spécialité".

Je ne suis pas très satisfait de m'être laisser aller à une certaine violence dans le propos que l'équipe de la BPI, si j'ai bien compris, a pris comme une remise en cause - c'est l'effet de ma maladresse. Les échanges sur Internet sont très propices aux malentendus, mais les échanges de vive voix aussi. Seulement on ne peut répondre du tac au tac, cela lasserait les lecteurs, nous sommes dans un genre hybride, avec un poids du texte fixe, bien que la fin de la fixité du texte ait été annoncée par un intervenant.

Puisque nous (n'avons pas la commodité d'une réunion "physique" en un seul lieu, d'une parenthèse dans la dictature du quotidien, ce colloque virtuel nous ramène chacun à notre quotidien.

Qui peut vraiment suivre ce genre de colloque sur son lieu de travail, pendant son temps de travail ? N'est-ce pas plus aisé à qui fait de la recherche et dispose d'un bureau et d'un ordinateur pour cela ? Mais cette remarque est peut-être très injuste.

Peut-on suivre un colloque, lire un texte long sur écran ? Je pensais a priori que non, et j'ai la chance à mon travail de pouvoir imprimer facilement sur papier. J'attends avec impatience le texte (de plus de 4 lignes ?) de Stephana Broadbent et Francesco Cara.

Qui peut parler ensemble ? Le décloisonnement, l'interdisciplinarité, l'intervention de quiconque le souhaitait, cela j'imagine faisait partie du défi de text-e.org.

En tout cas, merci à la BPI et aux modératrices d'avoir organisé ce colloque. Pour la forme, expérimentale, qu'il est intéressant d'expérimenter. Pour le fonds surtout. Toutes les contributions ont été très intéressantes, et les débats aussi.

Dominique Lahary, jeudi 28 mars, 2002 16:08 (heure de Paris)


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Liste des conférences

Lecteurs et lectures à l'âge de la textualité électronique
lundi 15 octobre, 2001 - mercredi 31 octobre, 2001
Comment lit-on sur l'écran ? Est-ce que le changement de support de lecture s'assortit d'une transformation des contenus ? Quel type de texte, disponible sur le médium unifié de l'écran, pourra-t-il encore être désigné comme 'livre' ?
Conférencier - Roger Chartier

Ce que l'Internet nous a appris sur la vraie nature du livre
mercredi 31 octobre, 2001 - mercredi 14 novembre, 2001
Le philosophe peut se demander : qu'est-ce qu'un livre ? Ceci est un problème ontologique : le livre est à la fois une entité physique, une entité mentale.
Conférencier - Roberto Casati

Lecture et écriture scientifique "dans le ciel" : Une anomalie post - gutenbergienne et comment la résoudre
mercredi 14 novembre, 2001 - vendredi 30 novembre, 2001
La galaxie post-gutenbergienne verra se dessiner une ligne de démarcation profonde entre les œuvres de l'esprit proposées en accès payant (journaux, musique...) et celles qui seront libres de tout droit d'accès : en particulier les articles scientifiques.
Conférencier - Stevan Harnad

Transmettre, réagir, se souvenir : le journalisme sur l'Internet
vendredi 30 novembre, 2001 - vendredi 14 décembre, 2001
L'Internet est un nouveau media mais il n'est pas un nouveau langage. Comment le langage du journalisme se transfère et se transforme sur ce nouveau media ?
Conférencier - Bruno Patino

Le futur de l'Internet : une conversation avec Theodore Zeldin
vendredi 14 décembre, 2001 - lundi 31 décembre, 2001
L'Internet ne change pas le monde. C'est notre conscience d'avoir changé nos désirs et nos objectifs qui crée une nouvelle vision du monde. Une vision qui peut nous aider à comprendre ce que nous voulons de l'Internet.
Conférencier - Theodore Zeldin

Lire : le futur digital
lundi 31 décembre, 2001 - lundi 14 janvier, 2002
Il est plus urgent de s'interroger sur l'avenir de l'édition que sur celui du livre. Déjà, alors que coexistent divers formats de livres, les compétences qui accompagnent la publication d'un texte se sont radicalement transformées.
Conférencier - Jason Epstein

Babel ou le choix du caviste: la bibliothèque à l'heure du numérique
lundi 14 janvier, 2002 - jeudi 31 janvier, 2002
Qu'est-ce qu'une bibliothèque à l'heure du numérique ? Dans une institution traditionnellement vouée à l'écrit et à sa mémoire, l'arrivée d'une information instable et potentiellement infinie peut remettre en question la nature même de la bibliothèque.
Conférencier - Equipe BPI

Vers une lecture sans écriture ?
jeudi 31 janvier, 2002 - jeudi 14 février, 2002
Si la dictée à des machines peut produire des textes sans écriture, la lecture, qui permet une appréhension du texte libérée du temps de l'oral, ne peut être remplacée par l'écoute. On réfléchira à l'avenir des textes non plus écrits, mais toujours à lire
Conférencier - Dan Sperber

Les nouvelles architectures de l'information
jeudi 14 février, 2002 - jeudi 28 février, 2002
Après avoir observé des centaines d'utilisateurs interagir avec des sites web ou avec d'autres médias électroniques une conclusion s'impose : les utilisateurs ne lisent pas plus de quatre lignes de texte à l'écran. Pourquoi ?
Conférenciers - Stefana Broadbent, Francesco Cara

Auteurs et autorité
jeudi 28 février, 2002 - jeudi 14 mars, 2002
Quel est le rôle de l'intellectuel, à une époque où l'information est virtuellement accessible à tous ? Peut-on le considérer comme un 'filtre' qui sélectionne les 'bons' parcours dans la jungle du web ?
Conférencier - Umberto Eco

Conclusions
jeudi 14 mars, 2002 - samedi 30 mars, 2002
Les modératrices dressent un bilan de l'expérience de text-e en ouvrant un débat général avec les conférenciers, les participants et les organisateurs.
Conférenciers - Gloria Origgi, Noga Arikha