Les bibliothécaires ont-ils le monopole du discours sur les
bibliothèques ?
Allons bon voilà que j'ai jeté en pâture un des rares universitaires qui travaillent sur les bibliothèques en ne voulant pointer qu'un aspect de son interview dans Télérama.
Mon tort principal aura été de mettre son nom dans le sujet de message, et voilà que jusqu¹à la nausée son nom apparaît en sujet des messages pour traiter de l¹ensemble de son interview, ou plus souvent du désherbage. Le voilà marqué au fer rouge. J'en suis responsable.
J¹ai déjà eu l¹occasion de l¹écrire à propos d¹une abondante série de message intitulés « Harcèlement moral à [nom de la commune] » : le libellé des sujet des messages dans biblio-fr est un acte de responsabilité. Je dirais même que c¹est un acte documentaire ? tant les sujets des messages permettent de les classer, indexer, rechercher, identifier, etc. Dans l¹exemple dont je marle, le débat sur le harcèlement moral était naturellement légitime, mais il n¹y avait aucune raison qu¹il porte le nom d¹une commune, ce qui jetait une infamie publique sur un(e) collègue sans autre preuve qu¹une accusation non vérifiée (ce n¹est d'ailleurs pas la fonction de la liste de vérifier ce genre de choses).
Je suis d¹autant plus responsable que j¹avais déjà été à l¹origine d¹un message qui avait disséminé sur la liste le nom d¹un autre universitaire. Je m¹i reprendrais à deux fois, à l¹avenir, avant de libeller le sujet d¹un message à biblio-fr.
Je tente la chose suivante : couper le débat en deux. D¹une part « sur un article de Télérama » (ainsi que j¹aurais dû m¹exprimer), mais je prends la liberté de renommer ainsi : « Les bibliothécaires ont-ils le monopole du discours sur les bibliothèques ? ». D¹autre part sur le désherbage : ce débat nécessaire n¹au aucune raison de porter un nom. Je posterai donc un autre message sur le désherbage en souhaitant qu¹il soit publié séparément de celui-ci, sans mention de Jean-Yves Mollier dans le sujet.
Soit donc le débat général sur l¹interview de Jean-Yves Mollier dans le Télérama n°306 du 22 août 2006 qu¹on trouve, je ne le savais pas, en ligne :, (merci à Kotkot d¹avoir le 1er donné le lien
Pourquoi avais-je signalé cet article ? Parce qu¹il me semble bon que les bibliothécaires prennent connaissance des discours tenus sur la bibliothèque auprès du grand public - en l¹occurrence le public de Télérama, qui a naturellement ses caractéristiques propres, mais qui représente quand même beaucoup de monde? un monde a priori plutôt utilisateur des bibliothèques, les choses étant ce qu¹elles sont.
Je n¹avais pas trouvé dans cet article de chat à fouetter particulièrement, hormis un gros malentendu sur le désherbage,n sujet sure lequel j¹espérais un débat : opération réussie, mais, par ma faute, avec un regrettable énoncé des sujets de message.
Pas de chat à fouetter parce que, globalement, il ne me paraissait pas mauvais qu¹on explique au grand public téléramiste que ce n¹est pas la fin des bibliothèques, pas non plus celle des livres par ailleurs, qu¹il faut continuer à construire des bibliothèques, et que les bibliothécaires de demain auront à aider le public à s¹orienter dans l¹océan du web toit en gardant « une vision un peu transcendante du livre » : il entend par là que le livre survit à travers ses divers avatars : volumen, codex, écran plat…
Pour les lecteurs de biblio-fr qui l¹ignoreraient, Jean-Yves Mollier est professeur d'histoire contemporaine et directeur du Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié de nombreux livres consacrés à l'histoire de l'édition et à l'apprentissage de la lecture en Europe (voir http://www.ricochet-jeunes.org/chercheur.asp?id=214
et http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Yves_Mollier) Il est fréquemment invité à parler lors de colloques, congrès et journées d¹étude destinées aux bibliothécaires.Je ne conteste naturellement pas la légitimité de la discussion sur le contenu de cet interview, et en mettant à part le thème du désherbage que je réserve à un autre message - j¹ai été lu avec beaucoup d¹intérêt les critiques et humeurs émises par Patrick Salsa sur biblio-fr ou par Olivier Tacheau et Desperate Livrarian Housewife sur leurs blogs respectifs.
Tout article public peut faire l¹objet de débat public et je ne doute pas que Jean-Yves Mollier lui-même ne soit intéressé par ce que des bibliothécaires peuvent écrire sur ces textes celui-ci comme d¹autres.
Mais j¹ai été frappé, par deux types de réaction.
La première n¹est pas gênante en soi : elle consiste à dire « je n¹ai rien appris à la lecture de cet article ». Quelle importance ? C¹est un texte destiné au grand public, pas aux professionnels. On ne le luit pas forcément pour apprendre quelque chose (cela peut arriver cependant) mais pour savoir quel discours sur les bibliothèque est diffusé auprès du public.
La seconde, en revanche, me gêne et j¹en ai fait le sujet de ce message (sans nom propre !). « Pourquoi n¹a-t-on pas demandé à un bibliothécaire de s¹exprimer sur les bibliothèque ? » Pardonnez-moi chers collègue, mais si nous en sommes à souhaiter un monopole (je force le trait à dessein) de l¹expression publique sur les bibliothèques, nous sommes bien mal partis.
D¹abord parce que tout phénomène, toute institution, toute corporation, est objet légitime de la recherche scientifique, de l?étude historique ou sociologique, du discours universitaire. La révolte de l¹objet d¹étude contre l¹étude elle-même est un classique. Il est facile de comprendre qu¹elle n¹a aucune légitimité intellectuelle. C¹est un symptôme. Celui d¹une posture défensive. Laissons donc dire, acceptons que soit dit y compris ce qui nous plaît pas? et sachons prendre notre part du discours public. C¹est un défi ? Relevons-le.
C¹est une bonne chose évidemment si des médias donnent la parole à des bibliothécaires et c¹est aux bibliothécaires de savoir être visibles dans le paysage. Mais je ne voudrais pas pour ma part lire un journal où seuls des agriculteurs parlent de l¹agriculture, du commerce seuls des commerçants, de l¹enseignement seuls des enseignants et du pouvoir seuls des gouvernants.
J¹ajoute qu¹il est intéressant de déceler les écarts entre le discours sur les bibliothèques et ce que nous croyons savoir d¹elles où voulons défendre à leur sujet. Cela nous indique les sujets sur lesquels un effort de communication.
Je pense en particulier à l¹éventuelle confusion entre la bibliothèque, ou les bibliothèques, considérées globalement (par exemple, globalement les bibliothèques doivent conserver) et tel type de bibliothèque (la plupart des bibliothèques n¹ont pas à le faire), ou entre la bibliothèque d¹étude et la lecture publique. C¹est que la bibliothèque est encombrée de représentations, comme tout ce qui est culturel. Voilà un des sujets sur lesquels nous pouvons naturellement débattre avec Jean-Yves Mollier et d¹autres. Le désherbage en fait partie, ceci est l¹objet de mon autre message suivant.