BIBLIOthèque(s) no46,
octobre 2009
Revue de l'Association des bibliothécaires de France |
Dossier C qui  ?
Culture légitime et investissement professionnel
encadré
par Dominique Lahary et Elisabeth Rozelot
Faut-il " aimer les livres " pour travailler en bibliothèque ? Contre ce cliché formellement déconseillé dans une lettre de candidature, de plus en plus de voix s'élèvent pour dire qu'il faut d'abord " aimer les gens(1). " On peut aussi, d'ailleurs, aimer le travail bien fait, y compris hors de la présence du public, et certains s'y consacrent avec utilité.
Longtemps la bibliothèque publique a été marquée par la forte valeur symbolique de la culture légitime, notamment livresque. On sait que cette charge symbolique peut impressionner - c'est-à-dire éloigner - des populations. Elle peut aussi agir au sein d'une équipe de bibliothèque.
Avec la multiplication des supports, la diversification des politiques documentaires et le développement des accès à Internet, on a vu cette charge symbolique perdre de son pouvoir d'intimidation et des agents se reconnaître dans l'offre proposée par leur service et s'investir dans davantage dans les contenus et les services.
Il n'est pas rare que soient depuis longtemps déjà délégués à des agents de catégorie C des secteurs documentaires comme le roman policier, la science-fiction, la bande dessinée ou les musiques actuelles.
Ne tombons pas dans les clichés : comme l'a montré Bernard Lahire(2), nous sommes à l'âge de l'éclectisme culturel, chacun se bricolant ses goûts sans plus guère s'enfermer dans des échelles de légitimité.
Mais retenons l'idée que la diversité sociale et culturelle au sein d'une équipe est un atout pour assurer la diversité de l'offre et, osons le dire, ne manquer le rapport à la population locale.
Voilà pourquoi il est bon que la bibliothéconomie ne soit pas la chasse gardée d'une ou deux catégorie. Il en va finalement de la réussite de la bibliothèque publique dans l'accomplissement de ses missions.
Notes
(1) Par exemple :
. [Cette note n'a pas été publiée par BIBLIOthèque(s)].
- " Si je fais ce métier, je crois que c'est, bien sûr parce que j'aime les livres, mais que je préfère les gens. " Caroline Makosza, message à biblio-fr, 11 janvier 2006
- " Pour faire ce métier, il est encore plus important d'aimer les gens que les livres. " François Larbre, directeur des bibliothèques de Marseille, interview à Livres Hebdo n° 665, 2006, pp 69.
- " Pour vous, quelle est la qualité principale d'un bon bibliothécaire ? - L'envie de communiquer. Si on n'aime pas le contact avec les gens, cela devient vite un calvaire. Il ne faut pas seulement aimer les livres, il faut aussi aimer les gens. " Interview de S. D., bibliothécaire à la bibliothèque locale de Schaerbeek (Belgique), s.d. (2007], http://www.metiers.be/Interviews/INT_BIBLI_SCHARBEEK.htm.
- " Dorénavant, pour être un bon bibliothécaire, il faut aimer les gens avant d'aimer les livres. " Compte rendu de Journée d'étude ABF Languedoc Roussillon du 22 mai 2008 sur " La programmation de l'action culturelle en bibliothèque et médiathèque ", /http://www.abf.asso.fr/IMG/pdf/Journee_Etude_Castries.pdf
(2) Bernard Lahire, La Culture des individus : Dissonances culturelles et distinction de soi, La Découverte, 2004 (Textes à l'appui).
Du même auteur dans le même numéro :
- C qui ? [texte liminaire du dossier]
- Escaliers à vices : La catégorie C en bibliothèque : des statuts aux fonctions
- La formation des catégories C : droits, devoirs et paradoxes
- Lanterne rouge dans la filière administrative
- Voix syndicales : s'organiser, revendiquer
- Encadrés : Qui veut être employé de bibliothèque ?, Les quatre modes d'avancement du fonctionnaire, Combien sont-ils ?,
- 4 dessins