BIBLIOthèque(s)   no46, octobre 2009
Revue de l'Association des bibliothécaires de France
 

Dossier C qui  ?
Lanterne rouge pour la filière administrative
par Dominique Lahary

A l'intérieur même de la catégorie C, la carrière des agents n'avance pas au même pas selon qu'ils relèvent d'une filière ou d'une autre. Si le manque de reconnaissance semble bien partagé, c'est le régime de la double peine qui est imposé à la filière administrative. Une situation à laquelle de nouvelles dispositions ne semblent pas remédier totalement.

Il fut un temps où il y avait, dans les fonctions publiques françaises, quatre catégories.
Prenant l'exemple d'un courrier, on disait que le (fonctionnaire de catégorie) A le concevait, que le B le rédigeait, que le C le tapait et que le D allait le porter. Aujourd'hui, le A, B ou C saisit sur son ordinateur le texte qu'il a conçu et rédigé et il l'envoie par courriel d'un clic. Que reste-t-il de ces catégories ?
Ce dossier ne traitera que des bibliothèques ; gardons à l'esprit que c'est le cas particulier d'une question plus générale.

Les inconvénients de la filière administrative territoriale

Il y a, dans une bibliothèque, un certain nombre de tâches administratives classiques : du secrétariat, de la comptabilité. Mais aussi des travaux spécifiques qui l'on peut accomplir hors de la vue du public, comme certaines tâches de saisie sur le système informatique, l'émission et la mise sous pli des lettres de rappel. A partir d'une certaine taille d'équipe, on peut trouver des agents qui s'y consacrent entièrement. Ils peuvent être de la filière administrative, mais aussi de la filière culturelle.
A l'inverse, des agents classés dans la filière administrative peuvent s'orienter, parfois exclusivement, vers des tâches bibliothéconomiques tels que le renseignement au public, les acquisitions, le catalogage ou l'animation. Ces chassés-croisés ne font que refléter l'origine des membres d'une équipe et l'évolution de leurs tâches au sein du service. Mais, dans la fonction publique territoriale, il n'est pas anodin d'émarger à la filière culturelle ou à la filière administrative.
La filière culturelle a longtemps été favorable pour les agents de catégorie C en matière d'avancement de grade au sein d'un même cadre d'emploi du fait de l'absence de quota, ce qui n'était pas le cas de la filière administrative où les quotas étaient sévères et la concurrence vive entre les agents de très nombreux services.
Mêmes difficultés pour les promotions internes, dans lesquelles les administratifs des " services extérieurs " ont beaucoup de mal à être reconnus, d'autant que les agents de toutes les filières peuvent être promus dans la filière administrative, l'inverse n'étant pas vrai.
Ainsi, comme nous allons le voir, Martine Mitsch aura attendu 22 ans pour accéder à la catégorie B tandis qu'un de ses collègues chauffeur, de même ancienneté, y est parvenu il y a 8 ans.
Depuis la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale, les collectivités fixent elles-mêmes leurs quotas d'avancement de grade, ce qui pourra permettre d'améliorer les perspectives de carrière dans une partie d'entre elles, mais la situation demeure identique pour les promotions internes.

Entretien avec Martine Mitsch, Responsable administrative et financière de la BDP du Val d'Oise

Martine Mitsch : Titulaire d'un CAP et un BEP de secrétariat-comptabilité, j'ai été recrutée en août 1977, après une année d'intérim, pour un mois d'essai par l'Association des amis de la BCP afin de prévoir le remplacement de la secrétaire qui avait demandé une mutation. Dès septembre, j'ai été recrutée comme contractuelle par le ministère de la Culture. Puis j'ai réussi successivement les concours de sténo-dactylo - il fallait amener sa propre machine à écrire - et de commis1, ce qui m'a permis d'être titularisée et de progresser dans mon statut.

Au début je ne faisais que du secrétariat et de l'accueil téléphonique, car c'est le conservateur qui faisait la comptabilité. Je tapais les commandes, mais aussi les fiches de prêt des livres et des disques, " stencils " pour l'impression des catalogues de nos acquisitions. J'organisais les tournées et prêts directs de bibliobus (planning, avis de passage) et j'y participais également en compagnie d'un chauffeur. J'assurais une partie de la gestion du personnel, qui était compliquée par les relations avec deux ministères, la Culture et l'Éducation nationale (mutations, notations, avancements). Enfin je gérais l'Association des amis de la BCP, qui employait la discothécaire, recevait le remboursement des livres et disques perdus : j'assurais sa comptabilité en étant officiellement secrétaire de l'association. J'étais la seule administrative du service aux côtés du conservateur, des quatre bibliothécaires-adjointes et des trois chauffeurs.

À partir de 1990, j'ai assuré les tâches de comptabilité du service. C'est à cette époque que nous avons eu un standard téléphonique et des ordinateurs ; le travail devint plus facile, mais il fallut se former sur le tas. En 1992, j'ai cessé de participer aux tournées. Un autre agent administratif a été recruté - d'abord en contrat précaire - notamment pour taper les fiches de prêt. J'ai opté pour la fonction publique territoriale en 1999. Et avec mes collègues chauffeurs j'ai constaté que les avancements d'échelon étaient plus rapides. La départementalisation du service à partir du 1er janvier 2006 nous a intégré dans la gestion comptable du conseil général et nous avons travaillé directement sur son système financier. Les procédures de commande n'ont cessé de se complexifier pour aboutir aux dispositifs actuels de marché public qui évoluent très rapidement. La dissolution en 2000 de l'Association des amis, qui procurait des facilités de gestion, s'est traduite par un alourdissement de toutes les tâches : davantage de travail administratif et comptable. On m'a ensuite confié des missions particulières telles que la coordination du déménagement et du réaménagement du service durant les travaux qui ont été effectués dans nos locaux ou la coordination du Bulletin d'information de la BDP durant l'absence d'une collègue.

Aujourd'hui j'encadre l'équipe administrative et financière qui comprend, avec moi, trois personnes. Cela fait longtemps que, de fait, je formais ou encadrais des agents, mais ce statut n'a été formalisé qu'en octobre 2008. J'agis comme correspondant et sous-traitant des directions des Finances et de la Gestion des ressources humaines du conseil général. J'assure aussi le rôle d'assistant du chef de service et de son adjointe, fonction que j'ai toujours plus ou moins assumée.

Mon travail a évolué avec l'ensemble du service, aussi bien dans ses outils (informatique, rénovation des locaux) que dans ses missions : auparavant, nous ne faisions guère que des acquisitions et de la desserte ; aujourd'hui, nous mettons un accent plus particulier sur la formation de nos partenaires, l'information et l'animation, et nous instruisons des dossiers de demande de subventions. Toutes ces missions génèrent davantage de tâches administratives et comptables dans un contexte où nous devons être rigoureux quant au respect de la législation et de la réglementation. J'ai dû par exemple mettre au clair les différentes façons de rémunérer un intervenant en formation ou animation, selon son statut.
J'ai perdu les contacts étroits que j'avais autrefois avec les " dépositaires " mais j'ai aujourd'hui une vision plus globale de l'activité du service, y compris dans ses relations avec les élus départementaux et l'administration du conseil général.

La diversification de mes missions a tardé à être reconnue en termes de carrière. Dans la filière administrative, c'est très difficile. Seule la formalisation de mon rôle d'encadrant a permis, après des années de demandes de mes supérieurs hiérarchiques en ce sens, que j'accède, au 1er août 2009, à la catégorie B dans le cadre d'emplois de rédacteur.


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   Publié en ligne par Dominique Lahary
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1 Aujourd'hui " adjoint administratif ".